Dirigeant d'entreprise et statut fiscal

Qu'est-ce qu'un dirigeant d'entreprise et quel est son statut fiscal?

Dirigeant d'entreprise et statut fiscal

A.             Le dirigeant d’entreprise

Qu’est-ce qu’un dirigeant d’entreprise ?

La notion de « dirigeant d’entreprise » relève initialement du droit fiscal : le Code des impôts sur les revenus énonce en effet que le dirigeant d’entreprise est celui qui perçoit une rémunération découlant de l’exercice d’un mandat d’administrateur, de gérant, de liquidateur ou d’une fonction analogue ; ou qui exerce au sein d’une société une fonction dirigeante ou une activité dirigeante de gestion journalière, d’ordre commercial, financier ou technique, en dehors d’un contrat de travail (art. 32 CIR 92).

D’un point de vue juridique, le dirigeant d’entreprise est donc défini au départ de la rémunération qu’il perçoit : un dirigeant d’entreprise est le mandataire d’une société qui perçoit, en compensation de ses prestations, une rémunération périodique.

En pratique, le dirigeant sera celui qui assure la direction effective de l’entreprise.

Le nouveau Code des sociétés et des associations (CSA), entré en vigueur le 1er mai 2019, identifie différents « organes » qui assurent cette direction effective.

Au sein de la société anonyme (SA)

Il est permis d’organiser un système de gestion moniste ou dualiste. En l’absence de choix, le régime supplétif sera celui d’une administration moniste.

  • Conseil d’administration ou administrateur unique (système moniste)

L’administration de la société anonyme est confiée à un conseil d’administration collégial, doté de la plénitude des pouvoirs de gestion, ou à un administrateur unique. Le principe de pluralité qui interdisait de n’avoir qu’un seul administrateur est supprimé. Le régime par défaut demeure celui d’une gestion exercée par un conseil d’administration. Cependant, désormais, une SA peut choisir, pour autant que les statuts le prévoient expressément, d’être administrée par une seule personne, physique ou morale. Cela vaut quel que soit le nombre de ses actionnaires.

L’administrateur unique est investi des pouvoirs d’administration les plus larges.

  • Conseil de surveillance et conseil de direction (système dualiste)

L’administration dualiste implique l’existence d’une répartition des pouvoirs entre deux organes : le conseil de surveillance et le conseil de direction.

Ce régime est optionnel. Une société anonyme qui désire recourir à ce modèle doit le prévoir dans les statuts.

Les membres du conseil de surveillance ne peuvent pas être membre du conseil de direction.

Le CSA a prévu la répartition des tâches entre les organes ; il ne peut être dérogé aux règles qu’il impose.

Le conseil de surveillance est compétent pour définir la politique générale et la stratégie de la société et pour poser tous les actes qui, dans le régime moniste, sont explicitement attribués au conseil d’administration (convocation de l’assemblée générale, arrêt des comptes, augmentation de capital dans le cadre du capital autorisé, distribution d’un acompte sur dividende, etc.). Le conseil de surveillance est aussi en charge de surveiller le conseil de direction et statue sur la décharge à accorder aux membres du conseil de direction.

Le conseil de direction, qui doit compter au moins trois membres, est, quant à lui, chargé de tous les autres actes, ce qui signifie que sa compétence est résiduaire. En pratique, son principal domaine d’action sera celui de la gestion de la société, c’est-à-dire des décisions concernant les activités quotidiennes (relations avec les clients, les fournisseurs, les travailleurs, investissements, etc.).

Le conseil de direction fait périodiquement rapport de ses activités au conseil de surveillance et fournit à ce dernier, d’initiative ou à sa demande, et aussi souvent qu’il est nécessaire, les informations utiles pour l’exercice de sa mission.

Le conseil de direction peut aussi représenter la société à l’égard des tiers dans toutes les matières, même celles qui ne relèvent pas de ses compétences de décision.

  • Gestion journalière

Une société anonyme peut déléguer la gestion de ses affaires journalières à un mandataire spécialement désigné à cette fin.

La gestion journalière de la société comprend tous les actes et les décisions qui n’excèdent pas les besoins de la vie quotidienne de la société, ainsi que les actes et les décisions qui, en raison de l’intérêt mineur qu’ils représentent ou en raison de leur caractère urgent, ne justifient pas l’intervention du conseil d’administration, de l’administrateur unique ou du conseil de direction.

Au sein de la société à responsabilité limitée (SRL)

L’administration est assurée par un ou plusieurs administrateurs (auparavant dénommés « gérants »).

  • Administrateur(s)

Dans l’hypothèse où il y a plusieurs administrateurs, ceux-ci peuvent constituer ou non un organe collégial de gestion. En l’absence d’un organe collégial et si plusieurs administrateurs sont nommés, leurs pouvoirs de gestion sont concurrents. Chacun d’entre eux peut exercer les pouvoirs de gestion et accomplir des actes qui lient la société.

Les administrateurs sont nommés dans les statuts (pour une durée indéterminée) ou par l’assemblée générale (pour une durée déterminée ou indéterminée).

Sauf disposition statutaire contraire ou à moins que l’assemblée générale n’en décide autrement lors de leur nomination, les administrateurs sont rémunérés pour l’exercice de leur mandat. Seule l’assemblée générale dispose du pouvoir de déterminer les conditions financières auxquelles le mandat d’un membre de l’organe d’administration est octroyé et exercé, de même que les conditions dans lesquelles il est mis fin à ce mandat.

  • Gestion journalière

L’organe d’administration peut charger une ou plusieurs personnes, agissant seules ou collégialement, de la gestion journalière de la société, ainsi que de la représentation de la société en ce qui concerne cette gestion. Leur nomination, leur révocation et leurs pouvoirs sont déterminés par les statuts.

L’organe d’administration qui a désigné le délégué à la gestion journalière est chargé de la surveillance de celui-ci.

La définition de la gestion journalière est identique à celle qui prévaut dans la SA.

Au sein d’une société coopérative (SC), les règles sont identiques à celles applicables à la SRL.

 

B.             Statut fiscal

1. Les revenus taxables

Les mandataires et associés actifs doivent payer des impôts sur les revenus que leur verse la société. Ces revenus sont mentionnés sous le vocable de « rémunération des dirigeants d’entreprise » (art. 32 CIR 92).

Il s’agit des rémunérations de :

  • la personne physique qui exerce une mission d’administrateur, de gérant, de liquidateur ou une fonction similaire ;
  • la personne physique qui exerce dans l’entreprise une fonction dirigeante d’administration journalière, de nature commerciale, financière ou technique sans contrat de travail.

Le premier groupe comprend toute personne qui est mandataire d’une société. Les administrateurs, les gérants et les liquidateurs sont explicitement mentionnés (art. 32, al. 1er, 1° CIR 92). Peu importe que le gérant soit nommé par l’assemblée générale ou par les statuts (Com. IR 23/47).

La notion de fonction similaire fait référence aux personnes qui ne sont formellement pas désignées comme administrateur, gérant ou liquidateur, mais qui exercent cependant ces fonctions dans les faits (Com. IR 23/55-56). C’est notamment le cas pour le collaborateur directeur en charge de l’administration journalière, mais qui dépasse les limites de la simple administration journalière et qui s’alloue (ou se voit octroyer) les activités qui reviennent normalement à un véritable administrateur.

Le deuxième groupe fait référence aux personnes qui exercent une fonction dirigeante. Selon le ministre des Finances, il s’agit des directeurs généraux, commerciaux, techniques ou financiers. Seules appartiennent à cette catégorie les personnes qui exercent leurs activités sur une base indépendante (art. 32, al. 1er, 2° CIR 92).

Le fisc donne une interprétation large de la notion de rémunérations des dirigeants d’entreprise.

Tombent sous cette définition (art. 32, al. 2 CIR 92) :

  • toutes les rémunérations fixes et variables et tantièmes que les sociétés octroient à leurs dirigeants d’entreprise et qui ne sont pas le remboursement de frais propres à la société ;
  • les avantages de toute nature ;
  • la partie du revenu locatif qui doit être requalifiée dans une rémunération de dirigeants d’entreprise (lors de la location d’un bien immobilier à la société par le dirigeant d’entreprise).

Attention ! Le montant de la rémunération du dirigeant influence celui des cotisations sociales. Le calcul des cotisations sociales se fait, en effet, sur le revenu net imposable promérité au cours de la troisième année qui précède. Plus ce revenu est élevé, plus les cotisations sont élevées. Le revenu servant de base au calcul des cotisations est toutefois plafonné (104 422,24 € au 1er janvier 2023).

 

2. Le principe d’attraction

En application du principe d’attraction (art. 32, al. 1er CIR 92), tout ce que perçoit un dirigeant d’entreprise de la société où il exerce une fonction ou une activité de dirigeant constitue un revenu de dirigeant d’entreprise.

Cela signifie que l’ensemble de ses revenus issus de la société seront soumis au régime fiscal du dirigeant d’entreprise, même si une partie de ceux-ci provient de l’exercice d’une activité salariée.

De plus, et en vertu de ce même principe, les revenus de remplacement accordés par la société à ses dirigeants dans le cadre d’une perte temporaire de revenus seront donc considérés comme des rémunérations de dirigeant d’entreprise. En revanche, ceux octroyés dans le cadre d’une perte permanente de revenus seront traités comme des pensions s’ils sont octroyés aux anciens dirigeants ayant pris soin de démissionner de leurs activités de dirigeant d’entreprise.

Les revenus de remplacement compensant une perte temporaire ou permanente de revenus seront toutefois traités comme tels s’ils sont versés aux dirigeants par des tiers (assureurs ou mutualités…).

Les revenus suivants échappent à ce principe d’attraction :

  • les dividendes (art. 32, al. 2, 1° CIR 92). On rappellera toutefois que ceux-ci sont soumis au paiement d’un précompte mobilier libératoire ;
  • les remboursements de frais propres à l’employeur (art. 32, al. 2, 1° CIR 92). Il ne s’agit pas, en réalité, de rémunération, pour autant que la réalité de ces frais puisse être démontrée ;
  • les revenus immobiliers non requalifiés en rémunération de dirigeant d’entreprise. La règle ne vaut que pour autant que les limites imposées par la loi soient respectées (art. 32, al. 2, 3° CIR 92). Tel sera, par exemple, le cas du loyer perçu par le dirigeant d’entreprise, mais qui n’excède pas le montant du loyer normal ;
  • les rémunérations octroyées à des personnes physiques qui exercent des fonctions salariées dans une société dans laquelle elles exercent également un mandat non rémunéré (art. 32, al. 4 CIR 92). Il s’agit donc des dirigeants qui exercent leur mandat à titre gratuit, mais qui perçoivent par ailleurs des revenus de la société à un autre titre (par exemple, comme travailleur salarié de cette société) ;
  • les revenus des personnes physiques qui exercent un mandat non rémunéré dans des ASBL ou autres personnes morales qui ne sont pas assujetties à l’impôt des personnes morales ou qui ne se livrent pas à des opérations ou une exploitation de caractère lucratif (art. 32, al. 3 CIR 92) ;
  • les revenus des personnes physiques perçus de sociétés où ils exercent un mandat d’administrateur, et dont l’objet social est étranger à leur activité d’avocat, d’architecte ou de commissaire réviseur (Com. IR 32/6).

 

3. Le précompte professionnel

La société doit retenir un précompte professionnel sur les rémunérations versées au dirigeant (art. 270, 1° CIR 92).

Ce précompte est payable dans les quinze jours qui suivent l’expiration du mois pendant lequel les revenus ont été payés ou attribués (art. 412 CIR 92). À défaut, la société risque de devoir s’acquitter d’une amende administrative.

Le précompte professionnel est un prélèvement à la source obligatoire retenu au moment de l’octroi ou du paiement du salaire au dirigeant (art. 86 et 87 AR/CIR 92). Il s’agit d’un acompte sur l’impôt global que celui-ci doit payer en tant que dirigeant d’entreprise (art. 296 CIR 92).

 

4. Le calcul de l’impôt

Le dirigeant d’entreprise est soumis aux mêmes règles de calcul de l’impôt que les autres contribuables.

Le montant de l’impôt sera donc calculé de manière progressive, en fonction de différentes tranches de revenus.

Lors de l’établissement de sa déclaration fiscale, le dirigeant d’entreprise devra reprendre dans les codes 1400 ou 2400 du cadre XVI de sa déclaration, le montant qui figure au code 400 de sa fiche 281.20.

Aux codes 1405 ou 2405, il devra mentionner les montants :

  • figurant sur les attestations de paiement des cotisations délivrées par sa caisse d’assurance sociale pour travailleurs indépendants, sa mutualité ou l’Office national des pensions ;
  • des cotisations sociales légales payées à l’étranger ;
  • des cotisations sociales légales payées à son organisme financier auprès duquel il a souscrit une pension libre complémentaire sociale ou non (PLCI ou PLC) ;
  • des avantages de toute nature versés par l’entreprise pour le compte du dirigeant ;
  • des cotisations sociales de travailleurs indépendants payées les années civiles qui suivent la cessation de l’activité du dirigeant puisqu’elles sont également déductibles. En revanche, les remboursements de cotisations sociales excédant les cotisations sociales payées l’année de revenus ne sont pas imposables et ne doivent donc pas être mentionnés dans la déclaration fiscale.

L’administration déduit de la rémunération du dirigeant les cotisations sociales pour obtenir le montant brut imposable.

De ce montant, il faut ensuite retirer les frais professionnels réellement exposés par le dirigeant ou, à défaut, les frais forfaitaires (3 % de la première tranche, avec un maximum de 2 910 € au 1er janvier 2023) (art. 51 CIR 92). Cela donne le revenu net imposable du dirigeant, sur lequel il sera imposé et sur lequel les cotisations sociales de travailleurs indépendants seront calculées.

Pour l’exercice d’imposition 2024 (revenus 2023), les tranches d’imposition pour les personnes physiques ont été fixées comme suit (art. 130 CIR 92) :

Tranche de revenu

Imposition

jusque 15 170 €

25 %

de 15 170,01 € à 24 260 €

40 %

de 24 260,01 € à 46 340 €

45 %

à partir de 46 340,01 €

50 %

L’impôt des personnes physiques est majoré des additionnels communaux, dont le pourcentage varie en fonction de la localité de résidence du contribuable.

Avant de calculer l’impôt, on détermine la quotité de revenu exempte d’impôt. Ce montant doit être comptabilisé sur la tranche d’imposition la plus faible. Pour l’exercice d’imposition 2024 (revenus 2023), celui-ci s’élève à 10 160 €.

 

5. La déductibilité de la rémunération du dirigeant dans le chef de la société

La rémunération payée par la société à son dirigeant est déductible à 100 % dans le chef de la société (art. 195, §1er, al. 1er CIR 92).

Celle-ci est toutefois tenue d’établir une fiche fiscale 281.20 et la communiquer au fisc en reprenant le montant des rémunérations et autres avantages payés au dirigeant (art. 57 CIR 92).

À défaut, elle s’expose à devoir payer une cotisation spéciale égale à 103 % (art. 219 CIR 92).

 

6. Commissions secrètes

Si une société fait des dépenses professionnelles ou octroie certains avantages sans identifier le bénéficiaire de ces sommes, elle encourt une cotisation spéciale de 100 % des frais.

Il n'est en principe pas nécessaire d'identifier les bénéficiaires lorsqu'une facture a été établie. En revanche, si aucune facture n'a été établie et si la société fait une dépense déterminée ou octroie un avantage à une personne déterminée, elle doit identifier cette personne au moyen d'une fiche 281.50.

À défaut, elle s’expose au risque de devoir payer une cotisation spéciale de 100 % du montant des frais ou avantages. Cette cotisation spéciale n'est pas déductible en soi.

Attention ! La cotisation n'est pas non plus applicable si le bénéficiaire a été identifié de manière univoque au plus tard dans le délai de deux ans et six mois à partir du 1er janvier de l'exercice d'imposition concerné. En pratique, cela signifie que si la société octroie un avantage en 2022, le bénéficiaire de celui-ci doit être identifié pour le 30 juin 2025 au plus tard (soit deux ans et demi après le 1er janvier 2023).

 

7. La TVA

Les personnes physiques qui exercent au sein d’une société, par délégation qui fait l’objet d’une publication dans les statuts de la personne morale, des tâches de gestion journalière, sont considérées comme organes de cette personne morale.

Dans cette mesure, elles n’ont pas la qualité d’assujetti à la TVA.

Par contre, si les intéressés effectuent en outre des services particuliers qui ne s’inscrivent pas dans l’exercice normal de la fonction dont il s’agit, ce qui est par exemple le cas lorsqu’une personne donne des conseils en gestion à l’entreprise dont elle est administrateur, les règles normales d’assujettissement et de taxation trouvent à s’appliquer pour ces services.

La distinction entre les deux types de tâches ne peut se baser que sur des éléments de fait.

Si le mandat de gérant ou d’administrateur est exercé au travers d’une société de management, les émoluments perçus par cette société sont soumis à la TVA depuis le 1er juin 2016 (déc. E.T.127.850, 30.05.2016).

L’administration fiscale a précisé que toutes les rémunérations fixes ou variables, qu’elles soient liées à des prestations effectives ou à l’obtention d’un résultat financier, sont soumises à la TVA et ce, quel que soit le mode de calcul desdites rémunérations. Seuls les dividendes échappent à la TVA.

En raison de l’assujettissement à la TVA des prestations d’administrateur, les sociétés exerçant de tels mandats et qui n’ont pas d’autre activité devaient, avant le 1er juin 2016, s’assujettir à la TVA (via le formulaire 604A). Celles qui exerçaient d’autres activités soumises à la TVA devraient déclarer un changement d’activité auprès de l’administration de la TVA (formulaire 604B).